L'histoire de l'hypnose Ericksonienne
La vie de Milton Hyland Erickson
Né le 5 décembre 1901 à Aurum (Nevada) et mort le 25 mars 1980 à Phoenix (Arizona), est un psychiatre et psychologue américain qui a joué un rôle important dans une approche singulière de l’hypnose clinique : il a consacré sa vie à l’hypnose thérapeutique et à la thérapie brève. L’approche particulière de Milton Erickson en psychothérapie repose sur son pragmatisme au fil du nombre incalculable de ses consultations, qui lui a permis d’observer que le patient possède en lui les ressources pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre : il a encouragé chacun de ses patients à utiliser ses propres compétences et ses possibilités d’adaptation personnelles. Atteint gravement de poliomyélite à l’âge de dix-sept ans, Erickson a été une figure emblématique du « guérisseur blessé », expérimentant sur lui-même, lors de sa réadaptation, certains phénomènes d’auto transformation qu’il met ensuite en application dans l’hypnose thérapeutique. Il a mis en relation l’auto-guérison du corps et du psychisme par l’intermédiaire de l’inconscient.
Au cours de sa carrière, Erickson a collaboré notamment avec Margaret Mead, Gregory Bateson, Lawrence Kubie, Aldous Huxley, John Weakland, Jay Haley et Ernest Rossi. Il est considéré comme le père des thérapies brèves. Ses travaux ont inspiré plusieurs approches thérapeutiques, dont l’hypnose ericksonienne et la thérapie brève de Palo Alto, la programmation neuro-linguistique et diverses autres techniques de traitement. Parmi ses élèves les plus connus figurent Stephen Gilligan, William O’Hanlon, Stephen Lankton et Jeffrey Zeig. Ses travaux donnent une des clefs de l’approche systémique.
Le guérisseur blessé
Milton Erickson a été dès le départ de sa vie atteint de troubles sensoriels et perceptifs congénitaux : il était daltonien, amusique et aussi atteint de dyslexie sévère. Sa perception du monde modifiée lui a fait aussitôt prendre conscience dès son plus jeune âge du caractère relatif des cadres de références des êtres humains. En 1919, à l’âge de 17 ans, Erickson contracte une forme grave de poliomyélite. À l’article de la mort, Erickson demande à sa mère de déplacer son lit de manière à pouvoir voir le coucher de soleil une dernière fois avant de mourir. Il expérimente alors ce qu’il appelle une expérience de transe hypnotique, au cours de laquelle il ne voit que le coucher de soleil, faisant abstraction de l’arbre et de la barrière qui entravent sa vue par la fenêtre. Suite à cette transe il sort totalement paralysé d’un coma de trois jours, seulement capable de parler et de bouger les yeux. Dans une immobilité corporelle totale, il meuble son ennui par des jeux d’observation, par lesquels il développe une capacité à percevoir les signes non verbaux émis à la limite du seuil de perception. Il observe, en voyant ses sœurs discuter entre elles, que souvent le langage verbal dit une chose alors que le langage du corps en dit une autre. « Elles pouvaient dire « oui » et penser « non » en même temps… j’ai commencé à étudier le langage non verbal et le langage corporel ». Ses efforts pour se rééduquer l’amènent à redécouvrir de façon totalement intuitive et sans le savoir, beaucoup des phénomènes classiques de l’hypnose thérapeutique. Erickson raconte : « Je ne pouvais même pas dire où se trouvaient mes bras et mes jambes dans mon lit. C’est ainsi que j’ai passé des heures à essayer de localiser ma main, mon pied, ou mes orteils, en guettant la moindre sensation, et je suis devenu particulièrement attentif à ce que sont les mouvements ». Il passe aussi des heures entières à observer sa plus jeune sœur apprendre à marcher.
Erickson garde de nombreuses et douloureuses séquelles physiques de la polio. A ce moment précis, il décide de devenir médecin. En 1921, après onze mois d’entraînement, Erickson est capable de marcher avec des béquilles et s’inscrit parallèlement en médecine et en psychologie à l’université du Wisconsin. Le 15 juin 1922, avec seulement cinq dollars en poche, Erickson entreprend un périple solitaire de 1 200 miles en canoë à travers les quatre lacs de la région de Madison dans le Wisconsin. Il revient de son aventure capable de marcher sans béquilles et de porter son canoë sur son dos, ses cinq dollars toujours en poche. En 1923, Erickson se marie une 1ère fois.
Premières expériences antinomiques avec les codes de l'hypnose
En 1923 et 1924, Erickson, alors étudiant en troisième année de médecine, participe au séminaire sur l’hypnose organisé à l’université du Wisconsin par Clark L. Hull, un des pères fondateurs avec Jean Leguirec de la psychologie expérimentale et des théories de l’apprentissage aux États-Unis. Hull cherche à appliquer au domaine de l’hypnose une méthodologie stricte et reprend le fameux débat entre suggestion (École de Nancy) et état modifié de conscience (École de la Salpêtrière). La plupart des expériences de Hull se concentrent sur la question de la suggestibilité. Prenant parti en faveur de l’École de Nancy, il ne mentionne jamais aucune base physiologique pour cet état particulier que serait l’hypnose.
Hull manifeste de l’intérêt pour le travail expérimental d’Erickson sur l’hypnose, mais Erickson dans sa compréhension intime va totalement à l’encontre de la conviction de Hull selon laquelle le thérapeute, à travers ce qu’il dit et fait au sujet, est beaucoup plus important que les processus comportementaux internes du sujet sous hypnose. Il critique également « l’acharnement de Hull à instaurer une « technique standard » pour l’induction sans tenir compte des différences individuelles entre les sujets. En octobre 1923, Erickson décide de mener ses propres recherches et commence à développer diverses techniques d’induction hypnotique permissive et indirecte. Les expériences menées par Erickson déplaisent à Hull, qui a l’impression qu’il ne tient pas assez compte de l’importance des suggestions et de la suggestibilité. De son côté, Erickson s’oppose à Hull pour qui un sujet hypnotisé perçoit et ressent la réalité qui l’entoure de la même manière que lorsqu’il n’est pas hypnotisé. Alors qu’Erickson s’éloigne de Hull, il obtient le soutien d’autres professeurs, parmi lesquels le psychologue Joseph Jastrow et le neurologue Hans Rees, qui avait beaucoup utilisé l’hypnose dans l’armée allemande durant la Première Guerre mondiale.
En 1928, Erickson obtient son doctorat en médecine en même temps que sa maîtrise de psychologie au Colorado General Hospital. Il est ensuite stagiaire en psychiatrie au Colorado Psychopathic Hospital, où on lui interdit de mentionner l’hypnose, puis médecin assistant au State Hospital for Mental Diseases à Howard (Rhode Island).
Premiers articles sur l'hypnose
D’avril 1930 à 1934, il est médecin-adjoint puis médecin-chef du service de recherche à l’hôpital d’État de Worcester dans le Massachusetts. C’est à cette époque qu’il est autorisé officiellement à reprendre ses recherches en hypnose et qu’il publie son premier article sur le sujet.
C’est dans le Michigan que Erickson réalise la plupart de ses expériences sur l’hypnose, notamment celles concernant la surdité hypnotique et le daltonisme hypnotique. C’est également à cette époque que le psychothérapeute et neurologue Lawrence Kubie commence à s’intéresser aux travaux d’Erickson et qu’ils publient ensemble plusieurs articles dans la revue Psychoanalytic quarterly.
Le sage de Phoenix
À cette époque, âgé de 51 ans, Erickson est une seconde fois victime de la polio. Cette seconde attaque le laisse encore plus handicapé qu’auparavant, mais ayant déjà traversé une épreuve similaire, il applique à cette occasion les stratégies qu’il a mises au point pour retrouver sa force musculaire. N’ayant récupéré que partiellement, il est par la suite contraint de se déplacer en fauteuil roulant et souffre de douleurs chroniques qu’il combat par l’auto-hypnose.
En 1957, pendant dix ans, il est le directeur du journal de l’association, The American journal of clinical hypnosis.
En 1970, Erickson quitte Cypress Street pour s’installer à Hayward Avenue. C’est en 1973, à la suite de la publication par Jay Haley de Uncommon therapy, que le nom d’Erickson devient connu du grand public. L’année suivante, Erickson met fin à sa pratique de psychothérapeute et rencontre, par l’intermédiaire de Gregory Bateson, les fondateurs de la PNL, Richard Bandler, John Grinder ainsi que Robert Dilts et Stephen Gilligan. Au cours des six dernières années de sa vie, Erickson accueille chez lui de nombreux psychothérapeutes venus du monde entier pour discuter avec eux d’hypnose, de thérapie et de la vie en général, au cours de séances quotidiennes de quatre à cinq heures.
En décembre 1980, à Phoenix, a lieu le premier congrès international consacré à Erickson ; cependant celui-ci meurt le 25 mars 1980 d’un choc septique, lié à une infection qui se manifeste sous la forme d’une péritonite.
Principaux apports en psychothérapie et différences avec les théories psychologiques
Erickson était convaincu qu’aucune théorie psychologique ne pouvait rendre compte de la diversité infinie des êtres humains. C’est pourquoi il considérait que la manière d’aider une personne à résoudre ses problèmes devait toujours être développée sur mesure, pour pouvoir répondre aux besoins uniques du patient. Pour lui, les théories sur les façons de penser et de se comporter risquent le plus souvent de nous enfermer dans des perceptions et des attitudes inadéquates. C’est pourquoi, grâce à son approche radicalement empirique et observationnelle, il évitait d’utiliser les principes généraux issus de modèles « scientifiques standards » de psychothérapie et d’hypnose, qui mettent l’accent sur une normalisaton de l’approche diagnostique et du mode d’intervention. En d’autres termes, pour lui, il n’y a de thérapie que si le thérapeute réussit à découvrir ce qui convient à chaque patient au moment précis de la séance. Son amie, l’anthropologue Margaret Mead, déclare : « Milton Erickson ne résolvait jamais un problème d’une manière déjà utilisée s’il pouvait en trouver une nouvelle – et généralement il le pouvait ». Elle souligne que c’est aussi ce qui constituait une barrière pour la transmission de ce qu’il connaissait.
Un art de l'observation
Dans son enseignement en psychothérapie, Erickson apprenait à ses élèves à bien observer le patient sans avoir d’idées préconçues sur lui. Il considérait en outre que l’apprentissage de l’hypnose et de l’auto-hypnose était un excellent moyen pour le thérapeute de développer ses capacités d’observation et d’intuitions. Il soulignait qu’il était lui-même le plus souvent en transe lorsqu’il menait des séances de thérapie. Dans un article publié avec Ernest Rossi en 1977, il déclare : « quand il y a une question cruciale à propos d’un patient et que je ne veux pas passer à côté du moindre détail, j’entre en transe ». Pour lui, la transe du thérapeute lui permet notamment d’être plus conscient des nombreux messages subliminaux non verbaux que les patients émettent inconsciemment. Erickson ne voulait pas être considéré comme un gourou ou un magicien. Il insistait sur le fait que tout ce qu’il faisait était le résultat de l’observation attentive de la personne et de la réponse aux communications inconscientes de cette dernière.
Une conception nouvelle de l'inconscient
Un des apports fondamentaux d’Erickson en psychothérapie est l’idée que l’inconscient de la personne est une partie totalement inoffensive et utile pour elle : 95% du psychisme fonctionne totalement inconsciemment tout comme la physiologie du corps qui se fait automatiquement depuis le 1er jour de notre conception jusqu’à notre mort. Erickson a donc une position réaliste et pragmatique au sens philosophique du terme, en ce qui concerne l’inconscient qui a bien une existence réelle. Selon le consensus habituel, l’inconscient n’est pas la menace pulsionnelle qui, selon la théorie générale de la psychanalyse, vient perturber la vie consciente et donc oblige au refoulement. Bien au contraire, pour Erickson, l’inconscient est la source des énergies nouvelles que le patient ignore et auxquelles il devra apprendre à faire une place de plus en plus grande : une auto-guérison du psychisme en quelque sorte qui a une puissance certaine sur le corps et ses actes incarnés. Milton Erickson en savait personnellement quelque chose de part sa maladie et de comment il en avait réchappé. Dans sa conception, le souci principal du thérapeute doit être de découvrir les ressources ignorées du patient, pour que celui-ci les ressentent, et permette d’opérer en lui une modification radicale. Erickson voit donc l’inconscient soit comme un esprit agissant, doté de caractéristiques différentes du moi conscient de la personne, soit comme un stock d’apprentissages, véritable réservoir de ressources pour la personne. Cette conception de l’inconscient est fondamentalement liée à sa compréhension singulière et personnelle de l’hypnose que sa maladie lui a fait connaître.
Pour Erickson, chacun a en lui les ressources, la capacité de soulager ses propres souffrances et de résoudre ses problèmes d’une manière qui ne doit pas nécessairement être comprise au 1er abord au niveau cognitif. Pour lui, il n’est pas important que qui que ce soit, thérapeute ou patient, comprenne quand, comment et pourquoi les changements se produisent. Il est seulement important qu’ils se produisent. Un véritable changement d’état…..Une rupture événementielle…. L’inconscient accomplit des faits dont la conscience est totalement incapable, et qu’elle ne peut concevoir à la condition sine qua none que la conscience s’abstienne entièrement d’interférer avec. La prise de conscience n’intervient qu’après……peut être…..ou seulement si nécessaire….
En outre, cela vaut aussi pour le thérapeute. Ainsi, Erickson déclare: « Quand vous avez un problème avec un patient, vous y réfléchissez, vous trouvez dans votre esprit inconscient comment vous allez régler ce problème. Puis, deux semaines plus tard, vous dites exactement ce qu’il faut quand il faut. Mais vous n’avez aucun intérêt à le savoir à l’avance, parce que dès que vous le savez consciemment, vous commencez à vouloir l’améliorer et vous gâchez tout ». Ou il prétend aussi que “lorsque une transe hypnotique ne prend pas sur un patient, c’est la part inconsciente du patient que le thérapeute n’arrive pas à prendre en charge”
L'approche utilisationnelle
Dans ses supervisions, Erickson insistait sur l’importance d’établir le contact avec le patient sur son propre terrain et de créer des situations dans lesquelles le patient peut prendre conscience de ses propres capacités à modifier sa manière de penser. En d’autres termes, pour Erickson, la première chose à faire en psychothérapie est “de ne pas essayer de contraindre l’être humain à modifier sa manière de penser ; il est préférable de créer des situations dans lesquelles l’individu modifiera lui-même involontairement sa façon de penser ». De manière plus générale, comme le souligne Weakland dès 1956, « Erickson dit que la résistance est une proposition de jeu ; “ce qui veut dire prendre l’aspect positif de tout et l’utiliser pour construire une interaction… ». : pierre angulaire du travail et de l’approche systémique dont le travail de Milton Erickson donne une clef essentielle..
Sources : wikipédia réécrites en partie